En matière de Bâtiments et Travaux Publics (BTP), le régime pour indemniser les déplacements quotidiens prévoit une différence de traitement selon que ce déplacement est considéré comme petit ou grand.
Ces indemnités sont versées au salarié en plus de son salaire, d'une part, et, d'autre part, elles sont exonérées de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, dans la limite des frais réellement engagés et des plafonds fixés par l'administration fiscale.
A proximité de son domicile, le salarié a droit à une indemnité de petit déplacement qui comprend une indemnité de repas, de transport et/ou de trajet.
Le salarié qui travaille loin de son domicile a droit à une indemnité de grand déplacement, qui comprend une indemnité de repas, une indemnité de transport et une indemnité d'hébergement.
Entrer dans le détail de ces indemnités n'est pas si complexe, mais il faut savoir que leur estimation est différente selon qu'il s'agisse d'un petit ou d'un grand déplacement.
Première étape : savoir dans quel cas on se trouve.
Pour déterminer si un salarié est en situation de grand déplacement, il faut prendre en compte deux critères : la distance entre son domicile et le lieu de travail, et la fréquence de ses retours au domicile.
Pour qu’un salarié du bâtiment soit considéré en grand déplacement, il doit remplir, de façon cumulative, les deux critères suivants :
Travailler à une distance supérieure à 50 km de son domicile, calculée à vol d’oiseau.
Ne pas pouvoir rentrer chez lui tous les jours en raison de la durée ou des horaires de transport, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables.
Ce principe est énoncé dans les conventions collectives des ouvriers du bâtiment, notamment l’article 8-21 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment et l’article 8-10 de la convention collective des travaux publics.
Ces conditions doivent être remplies simultanément pour qu'un salarié soit en grand déplacement. Si le salarié effectue ses travaux à plus de 50 km de son domicile, mais qu'il peut rentrer chez lui tous les jours, il est en petit déplacement. Si le salarié ne peut pas rentrer chez lui tous les jours, mais qu'il effectue ses travaux à moins de 50 km de son domicile, il est également en petit déplacement.
Il existe toutefois des exceptions à ces règles, prévues par des accords collectifs ou des conventions collectives. Par exemple, certains accords peuvent fixer un seuil de distance inférieur ou supérieur à 50 km, ou tenir compte du temps de trajet plutôt que de la distance.
Quant à la Sécurité sociale, elle instaure une présomption de grand déplacement à la double condition que, non seulement, le chantier est situé à plus de 50 kilomètres (distance réelle et non à vol d’oiseau) du domicile du salarié, mais aussi que les transports en commun ne permettent pas au salarié de parcourir la distance en un temps inférieur à une heure et demi (trajet aller).
Commençons par l'indemnisation du petit déplacement.
Puisqu'il s'agit de l'indemnisation d'une sujétion, elle est toujours due dès que le salarié se rend sur le chantier.
Il existe deux approches pour calculer une distance : soit à vol d'oiseau (c'est la méthode de la zone concentrique), soit en fonction de la distance réellement parcourue.
Dans cet article, nous allons vous expliquer en quoi consistent ces deux méthodes, et pourquoi la méthode de la zone concentrique s'applique par défaut, sauf accord contraire entre les partenaires sociaux.
La méthode de la zone concentrique consiste à tracer des cercles concentriques autour du lieu de travail du salarié, en prenant comme rayon la distance entre ce lieu et le domicile du salarié. Selon le nombre de cercles que le salarié traverse pour se rendre sur son chantier, il appartient à une zone différente, qui détermine le montant de ses indemnités. A vol d'oiseau.
Par exemple, si un salarié habite à 5 km de son lieu de travail, il appartient à la zone 1, qui correspond à une distance comprise entre 0 et 10 km. S'il habite à 18 km, il appartient à la zone 2, qui correspond à une distance comprise entre 10 et 20 km. Et ainsi de suite.
La méthode du déplacement réel consiste à calculer le montant des indemnités en fonction de la distance réelle parcourue par le salarié pour se rendre sur son lieu de travail, et non pas en fonction de la distance à vol d'oiseau entre son domicile et son chantier.
Cette méthode permet de tenir compte des contraintes liées aux infrastructures routières, aux conditions de circulation, ou aux moyens de transport utilisés par le salarié.
Depuis le 27 février 2019 et sauf accord contraire entre les partenaires sociaux. la méthode de la zone concentrique s'applique à nouveau par défaut.
C'est ce que prévoit l'article 8-13 des conventions collectives du bâtiment (IDCC 1596 et 1597), qui dispose que "il est institué un système de zones circulaires concentriques dont les circonférences sont distantes entre elles de 10 kilomètres mesurés à vol d'oiseau.
Cette méthode ne nécessite pas de justifier la distance parcourue réellement par le salarié, ni le mode de transport utilisé. Elle permet aussi d'harmoniser les règles de calcul des indemnités entre les salariés.
A notre sens, elle n'est pas la plus juste : 30 kilomètres à vol d'oiseau ne sont pas au final les mêmes en plat pays qu'en milieu montagnard où les routes sont plus sinueuses.
Toutefois, les partenaires sociaux peuvent décider de recourir à la méthode du déplacement réel, par accord collectif ou par convention collective. Dans ce cas, ils doivent préciser les modalités de calcul des indemnités, ainsi que les pièces justificatives à fournir par les salariés. Ils doivent aussi veiller à respecter le principe de faveur, c'est-à-dire à garantir aux salariés des indemnités au moins égales à celles prévues par la méthode de la zone concentrique.
C'est d'ailleurs ce qui avait été prévu lors de l'adoption de la Nouvelle convention collective du Bâtiment le 7 mars 2018, et qui a été annulée par la cour d’appel de Paris le 10 janvier 2019 (la CGT avait contesté la validité de la négociation, arguant que certains de ses représentants n’avaient pas pu participer aux séances de négociation). Elle n'est donc restée en vigueur que du premier juillet 2018 au 26 février 2019, date à laquelle la décision de la cour d’appel a été signifiée. C'est uniquement durant cette période que la méthode réelle a été appliquée.
L'article 8.182 de la convention collective du bâtiment prévoit à propos de l'indemnité de frais de transport liés aux petits déplacements que :
Son montant journalier, qui est un forfait, doit être fixé en valeur absolue de telle sorte qu'il indemnise les frais d'un voyage aller et retour du point de départ des petits déplacements au milieu de la zone concentrique dans laquelle se situe le chantier. Pour déterminer ce montant, il doit être tenu compte du tarif voyageur des différents modes de transport en commun existant localement et du coût d'utilisation des moyens de transport individuels.
Elle est due lorsque l’ouvrier doit se déplacer de son domicile au chantier et que l’employeur ne fournit pas de moyen de transport, ou si l’ouvrier utilise son propre véhicule ou les transports en commun sans remboursement par l’employeur.
Mais, si l’employeur fournit un véhicule de service ou organise le transport des ouvriers jusqu’au chantier, ou s'il rembourse intégralement les frais de transport en commun, l'indemnité de transport n'est pas due.
Le montant de l’indemnité varie en fonction de la distance entre le domicile de l’ouvrier et le chantier, mesurée à vol d’oiseau et de l'accord de branche défini par département (ou région).
C'est ce que l'on appelle le "panier".
Cette indemnité est fixée dans son principe par l'article 8.181 de la convention collective du bâtiment.
Le montant de l'indemnité de repas, qui est le même quelle que soit la zone concentrique dans laquelle se situe le chantier, est fixé par accord paritaire régional ou, à défaut, à l'échelon départemental.
Si l'entreprise utilise un système de titres restaurants, le montant de sa participation est déduit du montant de l'indemnité de repas.
D'autre part, l’indemnité n’est pas due si l’ouvrier prend son repas à sa résidence habituelle.
L'indemnisation d'un grand déplacement dans le BTP dépend du secteur d'activité, de la zone géographique et de la durée du déplacement.
L'employeur et le salarié doivent définir ensemble les modalités de la fixation du remboursement du grand déplacement. Il existe des règles a minima exposées ci-dessous.
Il est possible de prévoir un remboursement dit "aux frais réels", c'est-à-dire sur présentation de justificatifs.
Il est aussi possible de prévoir un forfait.
Ce système permet de fixer un forfait journalier pour le repas et l’hébergement en suivant notamment les seuils d’exonération fixés par le barème de l’Acoss. Les salariés se logeront et se restaureront à leur convenance sur cette base. L’employeur pourra prévoir des forfaits supérieurs ou inférieurs à ces seuils.
Les sommes à payer seront nettes, hors champ des cotisations sociales et fiscales (dans la limite fixée par le barème).
Les salariés pourront trouver des solutions moins onéreuses que le montant du forfait et pourront alors y voir un gain personnel. En outre, vous pouvez verser ces sommes à l’avance (en fonction du nombre exact de jours de grand déplacement) de sorte que les salariés n’aient pas de frais importants à avancer.
Il existe trois types d'indemnités principales.
Il faut savoir que nous parlons ici du temps passé à se déplacer en dehors des heures de travail définies au contrat, celles rendues nécessaires pour se rendre sur son lieu de travail.
Pour définir l'indemnité, il faut déterminer si le salarié est à la disposition de l'employeur durant ce trajet domicile - lieu de travail.
L’article L.3121-1 du Code du travail définit le temps de travail effectif comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Quant à l’article L.3121-4, il précise que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, et, en même temps, qu’il doit faire l’objet d’une compensation lorsqu’il excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail.
Deux décisions récentes de la Cour de cassation sont venues compléter ce schéma.
Dans son arrêt du 7 février 2024 (n° 22-22.335), elle sanctionne le juge du fond qui doit vérifier si les temps de déplacements constituent ou non du temps de travail effectif au sens de l’article L3121-1 du Code du travail.
Ce qui exclut le seul fait de rester joignable pendant un déplacement, ce qui ne peut être assimilé à du temps de travail effectif (arrêt du 6 mars 2024, n° 22-11.708.)
En première approche, il semblerait logique de considérer que, dans le domaine du BTP, le temps normal peut être assimilé à un petit déplacement. Et une nécessaire compensation au-delà, c'est-à-dire pour les grands déplacements.
L'employeur et le salarié doivent définir ensemble les modalités de la fixation du remboursement du grand déplacement. Il existe des règles a minima.
Défini par l'article 8-24 de la convention collective du bâtiment, le salarié perçoit :
1. Pour les heures comprises dans son horaire de travail non accomplies en raison de l'heure de départ ou de l'heure d'arrivée, une indemnité égale au salaire qu'il aurait gagné s'il avait travaillé ;
2. Pour chaque heure de trajet non comprise dans son horaire de travail, une indemnité égale à 50 % de son salaire horaire.
Selon l'article 8-25 du même texte, les frais de transport en commun engagés périodiquement sont remboursés sur justificatifs au prix d'un voyage par chemin de fer en 2e classe, dans les conditions prévues ci-après :
- un voyage aller et retour toutes les semaines jusqu'à une distance de 250 kilomètres ; toutes les 2 semaines de 251 à 500 kilomètres ; toutes les 3 semaines de 501 à 750 kilomètres ; et toutes les 4 semaines au-dessus de 750 kilomètres.
Si le salarié doit utiliser son véhicule personnel, l'indemnité kilométrique est à privilégier.
Il est aussi possible de prévoir un forfait pour les péages, le stationnement.
Le remboursement sur la base d’indemnités forfaitaires prévoit une indemnité pour les repas et une autre pour le logement.
Les montants sont applicables pour une durée de déplacement de 3 mois continue ou discontinue en métropole.
Elle couvre les frais de restauration du salarié en déplacement. L'URSSAF les fixe à 20,70 € pour les 3 premiers mois continus ou discontinus, à 17,60 € du 4e au 24e mois et 14,50 au-delà jusqu'au 72e mois.
Elle compense les frais d'hôtel ou de location du salarié qui ne peut pas rentrer chez lui.
Pour Paris et les départements des Hauts-de-Seine (92), Seine-Saint-Denis (93) et Val-de-Marne (94), l'URSSAF les fixe à 74,30 € pour les 3 premiers mois continus ou discontinus, à 63,20 € du 4e au 24e mois et 52,00 au-delà jusqu'au 72e mois.
Pour les autres départements, l'URSSAF les fixe à 55,10 € pour les 3 premiers mois continus ou discontinus, à 46,80 € du 4e au 24e mois et 38,60 au-delà jusqu'au 72e mois.
Mais ces montants fixés par l'URSSAF pour le repas et l'hébergement ne sont que des limites d'exonération et il est possible de prévoir des montants de remboursements différents. L'important est que le salarié ne soit pas lésé financièrement par le grand déplacement nécessité pour les besoins de l'entreprise.